Moi aussi je croyais que les vaches étaient de paisibles animaux herbivores. Mais on ne se méfie jamais assez.  Elles se vengent.
Elles nous punissent de toutes les entrecôtes bordelaises, des châteaubriants, des tournedos Rossini, des bavettes à l'échalote, des filets en croûte sauce madère. Et je ne parle même pas des camemberts, des emmentals, des munsters et des saint-nectaires !
Il parait que les vaches ourdissent un sombre complot : celui de réchauffer cette pauvre planète qui pourtant leur fournit la bonne herbe verte et grasse qui est leur subsistance.
Et comment  font-elles ?
Comme les diaboliques dragons des légendes médiévales qui crachaient des flammes, elles nous envoient des émanations de gaz toxiques et hautement inflammables. Si. Diabolique, je vous dis. C'est pas n'importe quoi qu'elles éructent : c'est du méthane !

Et depuis quand sont-elles aussi démoniaques ?

Ce qui est bizarre tout de même c'est qu'on s'en aperçoive seulement maintenant. Autrefois, pour ne citer qu'un exemple, il y avait en Amérique du Nord des troupeaux sauvages de millions de bisons. Un seul troupeau, ça défilait pendant des jours et des jours. Nos troupeaux de vaches à nous, même les plus importants, les plus industriels, c’est de la rigolade à côté d’un seul troupeau de bison jusqu'au XVIII° siècle. (Parce que je vous rappelle qu'au XIX° on a exterminé les bisons. Ouf, on a sauvé la planète d'une fin encore plus précoce). C'est plus gros qu'une vache, un bison, ça doit émettre "vachement" plus de méthane par tête de pipe. Vous imaginez ce que ça devait empoisonner l'atmosphère ? Les pauvres indiens. Ah bon ? Il ne sont pas morts de ça ?

Heureusement, on est prévenus.

Non, mais en fait ce sont juste nos vaches à nous qui sont mauvaises, et c'est de notre faute à nous si tout va mal en ce bas monde : c'est parce que nous mangeons trop de viande. C'est pas moi qui le dit, je l’ai lu dans le journal pas plus tard qu’hier. C'est le président du GIEC, qui est végétarien. Et Al Gore, qui a eu le prix Nobel. Alors c'est bien la preuve que j'exagère avec les bisons. Non, de là à penser que Al Gore développe une sorte de complexe du far west et qu'il tire sur tout ce qui a des cornes. Quelle idée !

Ils disent que l’élevage des herbivores a un coût énergétique important. C’est comme ça qu’ils se sont aperçu de l'extrême dangerosité de ces bestioles :  leur élevage coûte cher en énergie et en effet de serre pour ce que ça rapporte. Il faut tout comptabiliser, pas seulement ce qui sort des vaches, mais aussi les tracteurs qui consomment du gaz oil pour les labours, les engrais, etc… Il parait que manger un steak, ça équivaut à faire 70 kilomètres en voiture.

Nan mais là, il faudrait un peu de sérieux, quand même.

Faudrait leur expliquer que les vaches normales sont élevées sur des prairies. Et que les pairies, ces grandes étendues vertes, absorbent le CO 2, soit disant néfaste. Les prairies ce sont des surfaces souvent impossibles à cultiver, parce qu’elles sont en montagne, par exemple, ou dans des zones bocagères. Des surfaces où pousse naturellement de l’herbe. De l’herbe. Ils savent ce que c'est  au GIEC ?  C’est ce que mangent les vaches normales.

Ah il y  a des vaches qui mangent autre chose que de l'herbe ?

Ce serait peut-être l'occasion de les remettre au pré, alors.  On ne laboure pas les prés. Pas besoin de tracteur.  Et on ne met pas non plus d’engrais, sauf celui, naturel, qu’émettent les vaches. Encore moins de pesticides. On n'a même pas besoin de tondeuse, sauf une fois par an pour faire les foins que les troupeaux mangeront en hiver.

Rien qu' en France, 11 millions d'hectares d'espaces verts disparaitraient sans l'élevage des 20 millions de bovins et 8,5 millions d'ovins qui les entretiennent en les pâturant une partie de l'année.

Sait-il, Al Gore, que les prairies servent à préserver nos paysages ? Elles ont aussi un rôle dans le maintient de la biodiversité et de la qualité de l’eau… Ce serait trop long de dire ici tout ce que les prairies, et les vache qui sont dessus, apportent de positif à l’écologie, à l’économie et à la société : cela fait vivre de nombreuses personnes dans ses zones difficiles, cela empêche la désertification des campagnes, cela préserve ce qu’on appelle la « nature », l’eau et l’air.

Est-ce qu’ils savent que les herbivores sont de formidables usines chimiques : leur estomac parvient à transformer la cellulose des végétaux en protéines. Ce que notre estomac à nous est incapable de faire. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on mange des biftecks et pas du foin.

Bon, tant pis. Nous allons devenir végétariens. Nous allons labourer les prairies avec nos tracteurs à l'huile de colza pour cultiver du maïs, manger des salades, des choux et des lentilles, des petits pois et des haricots.

Alors tout ira le mieux du monde. On n’aura plus de campagne, mais ce sera pour la bonne cause. Plus de prairies avec des Charolaises, des Limousines, des Parthenaises et des blondes d’Aquitaine qui nous obscurcissent le ciel de leurs émanations toxiques. On aura de vastes champs de maïs transgénique qu'on arrosera nuit et jour avec d'immenses canons à eau vidant toutes les nappes phréatiques. Plus de normandes non plus, ni de livarot, ni de pont l’évêque. Plus de verre de lait pour les petits enfants.

Dites, et si on s'attaquait plutôt aux vrais problèmes ?